lundi 16 août 1999

Les questions fondamentales


Les questions fondamentales que doit se poser tout bon terrien.


Que vais-je manger ce midi, il est déjà onze heures et j’ai les crocs ?

Non, sérieux.

Qu’est ce que je fous là ?

Voilà la première des questions fondamentales à se poser mes amis, la fondamentale des fondamentales, qu’est ce que je fous là, c’est quoi ce merdier, bordel de merde ?

C’est clair, net, précis, une question, quel est mon but ? A quoi sers-je ? Deux questions alors, et puis trois, pourquoi moi ?

On pense toujours que ça n’arrive qu’aux autres mais non, c’est pour tous les vivants la même danse, pourquoi ?


Le constat affligeant que rien de compréhensible n’est possible.


Chercher à savoir d’où l’on vient, c’est n’arriver nulle part, forcément, et c’est flippant, forcément, le ventre de la mère, de l’autre mère, de toutes les mères qui vécurent avant nous et dont nous sommes issus, des millénaires de mères peut-être, des mères et des mères et toujours des pères pour faire et faire encore des futurs mères et pères qui en feront de même inlassablement, nous venons tous du même endroit et nous ignorons tous que cet endroit n’existe pas, nous venons de nulle part, forcément, et c’est flippant, forcément.


Les réponses ou pas aux questions fondamentales.


Le terrien doit se dire que son existence est une malencontreuse erreur de la nature et qu’elle n’appartient à aucune espèce d’expérience déjà observée, le corps dont il a la charge étant à la fois la seule véritable preuve tangible de celle ci et la condition sine qua non, le terrien désireux d’halluciner le plus longtemps possible, doit nécessairement utiliser son cerveau pour le comprendre et l’accompagner au mieux dans son processus inéluctable de désintégration. Premier point donc, ménager sa monture avant toute autre chose, et ce n’est pas le plus intéressant, à l'évidence.

Deuxième point, capital lui aussi, garder son calme et sa sérénité.

Pour cela, le terrien doit absolument se refuser d’espérer un jour comprendre la raison de son existence. Tous ceux qui jusqu’à présent ont tenté de comprendre n’y sont évidemment jamais parvenus, mais, bien au contraire de découvrir la vérité du monde qui n’existe pas, la plupart d’entre eux ont très mal fini, au bout d’une corde ou sous un camion pour certains, à l’asile ou à l’infirmerie pour d’autres, beaucoup ont sombré dans une religiosité totalitaire et régressive et constitue encore aujourd’hui la cohorte honteuse des terriens qui ont rendu les armes, qui ont vendu leur âme en désespoir de cause, qui, ayant voulu réfléchir trop vite et trouver encore plus vite une réponse aux questions, se sont enfin épuisés et ont fini par lamentablement donner raison aux premiers venus, chez nous ceux-ci sont catholiques et ils occupent le terrain depuis un certain temps déjà.

Troisième point, sous forme de conseil technique donné par un trentenaire qui sait de quoi il parle. Le terrien qui souhaite trouver un sens à sa vie qui n’en a pas peut très facilement lui en donner un, s’en fabriquer un, d’ailleurs, non seulement il peut mais il le doit, l’occupation du terrain mes enfants, empêcher que d’autres terriens mal avisés viennent l'envahir avec des réponses toutes faites capables de faire plier un prix Nobel, vous asservir à jamais, voilà une préoccupation qui vaut la peine de se lever.

Le terrien ne doit pas croire qu’il est le seul à ne pas savoir, personne ne sait, tout le monde le sait, certains font croire qu’ils savent mais c’est du bluff, ils n’ont rien, pas la moindre paire, pas même la moindre carte, que des mots qu’un cerveau peut toujours engloutir, certes, car il y a bien de la place pour tous les mots dans nos cerveaux, à l'évidence, mais ce n’est pas pour ça qu’il faut se les garder au chaud, ces gros mots tout pourris dont on nous a nourris, le terrien doit être capable de se ventiler correctement et régulièrement le cerveau, sous peine de voir bientôt fleurir en son sein des idées très vite qualifiables de merdiques, pour ne pas dire des idées qui n'en sont pas, lorsqu’elle est bien pleine, la tête du chrétien s’imagine immortelle, avec des ailes, elle se croit surhumaine, elle s’agenouille et elle parle au ciel, au vingt et unième siècle, en France, rendez vous compte du drame.


Conclusion.


Ne pas être né serait certainement la meilleure solution à tous les problèmes du terrien mais il a dépassé ce stade depuis belle lurette, il lui reste donc à construire humblement son oeuvre intime, à se forger consciencieusement l’univers qu’il se sera choisi. La vie du terrien n’est pas un 10 000 mètres, pas même un marathon, c’est une marche ininterrompue de milliards de kilomètres qui fait finalement davantage mal aux pieds qu’à la cervelle, un temps donné qu’il ne faut pas gaspiller ni craindre, un cheminement passionnant que notre ami terrien doit suivre le sourire aux lèvres, même si, Albert Cohen nous l’a bien dit, chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte, et cela n'est pas prêt de changer, oserais-je ajouter, merci, bonsoir et bon courage à tous. Kenavo.


Varlevent

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